Le gouvernement espagnol a tenté une proposition de dernière minute mercredi pour surmonter la crise avec les dirigeants séparatistes catalans, laissant entendre qu’il renoncerait à sa menace de suspendre l’autonomie de la région si des élections régionales étaient convoquées. Alors que les heures filaient à vive allure vers la fin de l’ultime délai laissé au président séparatiste catalan Carles Puigdemont pour renoncer à toute velléité d’indépendance, jeudi à 10 h, les états-majors politiques bruissaient de rumeurs mercredi. M. Puigdemont a rencontré dans la soirée la direction de son parti, le PdeCat et celui-ci l’a encouragé à déclarer l’indépendance en cas de refus de dialogue de Madrid, selon Marta Pascal, sa coordinatrice générale. Le gouvernement espagnol de son côté laissait entendre un peu plus tôt sa disposition à accepter une solution qui permettrait au président séparatiste de sortir la tête haute du conflit qui semble être devenu inextricable. «S’il (Carles Puigdemont, ndlr) convoque des élections, et selon les modalités envisagées, cela pourrait être considéré comme un retour à la légalité», a déclaré une source gouvernementale à l’AFP. Ainsi, les Catalans pourraient s’exprimer dans les urnes et renouveler leur Parlement, où les indépendantistes ont 72 députés sur 135. Dans la soirée, le club par excellence des Catalans, le FC Barcelone avait déployé au Camp Nou une grande banderole, appelant «au respect et au dialogue». Auparavant, le gouvernement avait brandi la menace d’une suspension de l’autonomie de la Catalogne. Faute de réponse satisfaisante «M. Puigdemont provoquera l’application de l’article 155 de la Constitution» qui permet de suspendre l’autonomie, a assuré la numéro deux du gouvernement espagnol, Soraya Saenz de Santamaria, tandis que M. Rajoy l’invitait à se montré «censé». La plus grave crise politique en Espagne depuis que le pays est redevenu démocratique en 1977 pourrait donc déboucher sur une reprise en main par le gouvernement central d’une de ses plus riches régions, où vivent 16% des Espagnols, pour éviter une déclaration d’indépendance risquant de déstabiliser l’Europe. Mais la mesure pourrait aussi provoquer une vive agitation dans la région, où les manifestations se succèdent depuis plusieurs semaines et certains à Madrid craignent même que les indépendantistes radicaux ne cherchent à «paralyser la Catalogne», représentant 20% du PIB de l’Espagne. Bien que la Catalogne soit divisée à parts quasiment égales sur l’indépendance, Carles Puigdemont estime que les Catalans ont conféré au parlement régional le «mandat» de déclarer l’indépendance, après avoir voté à 90% (et 43% de participation) en faveur de la sécession lors d’un référendum le 1er octobre. Ce scrutin interdit et émaillé de violences policières avait été boycotté par l’opposition. Et dans le camp séparatiste, certains se sentent déjà partis, comme Abril Marcos, une étudiante en mathématiques de 19 ans rencontrée devant sa fac à Barcelone, qui a voté «oui». «Les premières années ce sera difficile», admet-elle. Comme pour le Brexit, «on a ça en commun d’être dans un processus de séparation, un processus difficile». «Je suis catalan, mais je me sens espagnol», pestait en revanche, aux abords du Camp Nou, un vendeur de maillots, Carlo Lopez, âgé de 27 ans. «Si jamais ça devait arriver, je partirais en Espagne». Cependant le président indépendantiste est aussi pressé de temporiser par certains alliés plus conservateurs et les milieux d’affaires qui constatent avec panique la fuite de plus de 800 entreprises ayant préféré transférer ailleurs leur siège social, par crainte d’une instabilité. Il a proposé lundi au chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy de se laisser deux mois pour «dialoguer». Mais M. Rajoy exige que son adversaire renonce au préalable à tout plan sécessionniste. La tension entre Madrid et les séparatistes s’est encore accrue depuis lundi soir, après le placement en détention de deux figures de l’indépendantisme, Jordi Sanchez et Jordi Cuixart, qui a entraîné d’importantes manifestations dans toute la Catalogne en réaction à leur incarcération. Ils sont poursuivis pour sédition, accusés d’avoir encouragé fin septembre des manifestants à bloquer la sortie d’un bâtiment où des gardes civils menaient des perquisitions. Amnistie internationale a critiqué ces détentions mercredi, demandant aux autorités judiciaires d’y «mettre fin immédiatement».