Le projet de taxe sur les plateformes de vidéos rappelle le serpent de mer de la « taxe Google », qui n’a jamais été adoptée. Le fond du problème: ces taxes ressemblent à de mauvaises réponses au problème de l’optimisation fiscale.
Encore une « taxe Google ». Mais cette fois, la cible est plus fine: il s’agit de taxer YouTube, et avec lui tous les sites qui proposent « en France un service qui donne (…) accès, à titre onéreux ou gratuit, à des oeuvres cinématographiques ou autres contenus audiovisuels ». En réalité, ce projet, introduit par un amendement à la loi de finances par trois députés socialistes, vise surtout YouTube, qui est de loin la plus grosse plateforme de diffusion de vidéos.
La même taxe que sur les locations de DVD
L’idée est d’appliquer une taxe de 2% sur le chiffre d’affaires (publicité et abonnement) des plateformes de vidéos, pour en affecter le produit au financement de la création via le Centre national du cinéma (CNC). Les sites de vidéos professionnelles à caractère pornographique seraient, eux, taxés à hauteur de 10%.
Une telle taxe de 2% et 10% s’appliquait déjà au marché de la location de vidéos physiques, auquel serait donc assimilé YouTube. Alors que les services de vidéo à la demande (VOD), eux, sont soumis, comme la TV de rattrapage, à des obligations beaucoup plus lourdes.
Leur cadre réglementaire est très strict: les sites par abonnement (SVOD) comme Canalplay doivent consacrer 15% de leur chiffre d’affaires au financement de la création.
YouTube, les ayant droit s’y sont déjà cassé les dents
Pourquoi donc assimiler YouTube à de la location de DVD et pas à une chaîne de télé? Sans doute parce que YouTube a toujours réussi à éviter que son statut ne passe de celui d’hébergeur – qui lui donne beaucoup d’avantages en termes de responsabilité juridique et de libertés vis-à-vis des contenus mis en ligne – à celui d’éditeur. Beaucoup, notamment les ayants droit partis à la chasse des pirates du copyright, s’y sont cassé les dents. Et YouTube est toujours un pur intermédiaire technique aux yeux de la loi.
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En 2013, le CSA avait publié un rapport qui préconisait d’imposer à YouTube les mêmes obligations qu’à la VOD, pour contribuer au financement de la production française, considérant qu’une grande partie des contenus de la plateforme étaient des contenus professionnels. Un rapport pour rien.
Bientôt au cimetière des taxes comme la « taxe Google »?
Après avoir échoué à entrer par cette porte, voici donc un nouvel amendement qui tente d’entrer par une fenêtre. L’objectif reste le même: faire « raquer » YouTube. Et le problème demeure. Ces taxes – comme la « taxe Google » – visent en réalité un objectif plus ou moins avoué: déjouer l’optimisation fiscale de Google.
Mais elles ne sont jamais suffisantes pour rétablir l’équité fiscale, et leurs montages finissent toujours par ressembler à des usines à gaz, assorties de multiples dérogations, histoire de limiter les dommages collatéraux sur les entreprises françaises.
Le détricotage a déjà commencé
Certaines dispositions sont par ailleurs régulièrement retoquées, notamment lorsqu’il s’agit de créer des taxes dites « affectées » (qui ne passent pas par le budget de l’Etat, mais qui sont directement affectées à un organisme). Illustration pas plus tard qu’hier: l’affectation de l’hypothétique produit de la taxe Youtube au CNC a été supprimée après avoir été déclarée irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Si cela n’avait pas été le cas, restait encore le couperet de Bruxelles qui assimile parfois ces affectations à des aides d’Etat illicites.
L’amendement « invite » désormais « simplement les députés et le gouvernement à discuter » de cette affectation. Il a pour le moment été adopté en commission des Finances, et doit maintenant passer l’épreuve du vote de l’Assemblée. L’histoire récente montre que même s’il arrivait jusque-là, ce serait encore très loin d’être gagné.