Hong Kong – Un nombre record de Hongkongais ont voté jusqu’à tôt lundi lors d’une élection cruciale marquée par la présence d’une nouvelle génération de militants prônant une rupture radicale avec Pékin, dans la lignée des grandes manifestations prodémocratie de 2014.
Les élections au Conseil législatif (LegCo, l’équivalent d’un Parlement) interviennent alors que de nombreux habitants ont le sentiment que Pékin veut renforcer son emprise sur la ville semi-autonome, dans les domaines politique, culturel ou encore éducatif.
Plus de 2,2 millions de personnes, soit près de 60% des 3,7 millions d’électeurs, ont voté jusque dans la nuit de dimanche à lundi. « Un nombre record de personnes ont glissé leur bulletin dans l’urne cette année« , a souligné lundi le président de la Commission des affaires électorales, Barnabus Fung.
Lors des dernières élections au Legco en 2012, le taux de participation s’était élevé à 53%.
Selon de premières indications à 05H30 (21H30 GMT dimanche), quelques candidats réclamant une plus grande autonomie vis-à-vis de Pékin, voire une rupture totale, pourraient décrocher des sièges.
Malgré plus de deux mois de blocage de quartiers entiers de l’ex-colonie britannique à l’automne 2014, le « mouvement des parapluies » avait échoué à obtenir la moindre concession de la Chine en matière de réformes politiques.
Sur les cendres de cette révolte, était né le mouvement dit « localiste » qui cherche à prendre ses distances avec la Chine. Aujourd’hui, une nouvelle génération demande l’indépendance pure et simple, tandis que d’autres militent pour l’autodétermination du territoire repassé en 1997 sous tutelle chinoise.
Mais l’emprise de Pékin pourrait paradoxalement se renforcer en cas de bon score des « localistes« : en effet, si le camp prodémocratie, qui ne soutient pas les « localistes« , perd seulement quatre sièges, il devra renoncer à la minorité de blocage dont il dispose dans une assemblée qui penche déjà largement du côté de Pékin.
Beaucoup de Hongkongais craignent que les libertés dont dispose Hong Kong, en vertu de l’accord sur la rétrocession, soient en train de s’éroder. L’affaire des libraires hongkongais disparus alors qu’ils publiaient des titres salaces sur la classe politique chinoise, puis réapparus en Chine cet hiver, en est une illustration.
– Minorité de blocage en jeu –
Pour l’analyste hongkongais Joseph Cheng, « cette élection se caractérise en grande partie par des changements intergénérationnels de dirigeants politiques« .
De nombreux Hongkongais restent convaincus que l’indépendance est une chimère.
« C’est trop idéaliste et irréaliste« , juge Wilson Vai, 21 ans, qui soutient le camp prodémocratie.
Le mouvement indépendantiste a fait bouger les lignes mais cela reste insuffisant pour conquérir le LegCo. Celui-ci compte 70 membres désignés selon un système alambiqué qui garantit presque à coup sûr une majorité au bloc pro-Pékin.
Trente-cinq membres sont élus au suffrage universel direct. Trente sont désignés par des groupes socio-professionnels acquis à la Chine continentale tandis que cinq « super sièges » sont réservés à tous les électeurs, à l’exception des membres des groupes socio-professionnels.
Mais une percée, même limitée, des indépendantistes, pourrait faire le jeu de Pékin en réduisant le poids de l’opposition prodémocratie traditionnelle.
Avec 27 sièges sur 70, celle-ci dispose actuellement d’une minorité de blocage, les textes devant être adoptés à la majorité des deux tiers.
Le dirigeant du gouvernement local, l’impopulaire Leung Chun-ying, a assuré en glissant son bulletin dans l’urne que le scrutin était « démocratique« .
Plusieurs opposants ont manifesté devant le bureau de vote. L’un d’eux a lancé un sandwich au thon sur le dirigeant hongkongais afin de symboliser, a-t-il assuré, le fait que les personnes âgées ne peuvent plus se payer le petit déjeuner dans une ville où les écarts de richesses se creusent.
Pour bon nombre d’électeurs, les questions essentielles restent les loyers exorbitants et la faiblesse des salaires. Il est temps, disent-ils, de laisser de côté les querelles politiques pour s’occuper des vrais problèmes des sept millions d’habitants.
« J’espère que les gens pourront s’asseoir et parler sans se radicaliser« , déclaré un électeur de 72 ans, qui s’est présenté sous son nom de famille, Yau.