Non, Vichy n’a pas voulu protéger des juifs français

Dans son livre Les Secrets de Vichy, l’historienne Bndicte Vergez-Chaigon tord le coup une thse encore dfendue aujourd’hui.

Cette thèse a la vie dure, malgré les mises au point répétées des historiens: le maréchal Pétain, en sacrifiant les juifs étrangers à l’Allemagne nazie, aurait protégé les Français juifs. La « preuve »: le nombre relativement faible de juifs déportés, 76 000 individus sur un total de 330 000, dont un tiers de Français. Pour en finir avec cette polémique, il n’y a qu’à se reporter au chapitre 8 des Secrets de Vichy, de Bénédicte Vergez-Chaignon.

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Malgré son antisémitisme obsessionnel, rappelle l’historienne, le Reich a d’autres priorités en France: la sécurité de ses troupes et l’exploitation économique du pays. D’autant que Vichy s’est empressé de publier un statut des juifs dès octobre 1940, dont, étrangement, on ne connaît toujours pas l’identité exacte de l’auteur: Raphaël Alibert, le garde des Sceaux? Marcel Peyrouton, le ministre de l’Intérieur? Toujours est-il que si le secrétaire général de la police, René Bousquet, livre des juifs étrangers, ce n’est pas pour protéger des juifs français, mais pour recouvrer la souveraineté du ministère de l’Intérieur sur la gendarmerie, les pompiers de Paris, la protection des voies ferrées.

Rigueur et clarté

D’ailleurs, en 1943, le nouveau commissaire général aux questions juives, Darquier de Pellepoix, suggère de dénaturaliser les Français juifs. Pour faire du chiffre et répondre aux exigences des nazis. Mais alors, pourquoi 250000 juifs de France ont-ils échappé à la déportation? Parce qu’il existe une zone libre jusqu’en novembre 1942 et une zone d’occupation jusqu’en septembre 1943, explique l’historienne. Parce qu’une partie de la population, fonctionnaires, paysans, membres des églises et des oeuvres caritatives, les aident, les cachent au péril de leur vie. Parce qu’en Afrique du Nord, les juifs sont sauvés par le débarquement américain de novembre 1942.

Les Secrets de Vichy ne sont pas une nouvelle histoire du régime, mais une mise au point en 13 chapitres enlevés. Comme pour son Pétain, récompensé l’an dernier par le grand prix de la biographie politique, Bénédicte Vergez-Chaigon convainc par sa rigueur et sa clarté. Qu’il s’agisse de Vichy, capitale d’opérette, des « nègres » des discours du Maréchal, de l’élimination de Darlan, de la dérive du chef de la Milice Darnand, il n’y a de place que pour les faits. Et eux seuls.

Les Secrets de Vichy, par Bénédicte Vergez-Chaignon. Perrin, 414p., 22€.