Londres – La ministre de l’Intérieur Theresa May, qui prendra les rênes du gouvernement britannique mercredi, est une eurosceptique dans l’âme qui va devoir négocier la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.
Elle avait pourtant choisi en début d’année de rester fidèle au Premier ministre David Cameron et de défendre le maintien dans l’UE. Mais elle a fait le service minimum, continuant aussi à prôner une limitation de l’immigration, thème favori des pro-Brexit, ce qui l’a rendue crédible auprès des deux camps.
Jonglant habilement entre les factions pro et anti-Brexit au sein de son parti conservateur, elle a fini par apparaître comme la candidate de consensus.
Cette femme grande et mince, à l’allure patricienne, cheveux gris coupés courts et yeux assortis, est une conservatrice située plutôt à la droite du parti, même si elle mène à présent campagne pour séduire sur des thèmes plus sociaux, tentant ainsi de casser son image de froideur.
Au ministère de l’Intérieur, qu’elle occupe depuis 2010, elle a tenu une ligne très ferme, qu’il s’agisse des délinquants, des immigrés clandestins ou des prêcheurs islamistes.
Si on lui reproche son manque de charisme, on lui reconnaît également autorité et compétence. Elle peut aussi se montrer cassante et d »une « détermination féroce », selon le Daily Telegraph. Ce qui lui vaut d’être parfois surnommée la « nouvelle Margaret Thatcher ».
Mais elle apparaît plus proche d’une Angela Merkel, la chancelière allemande, avec qui elle partage le fait d’être fille de pasteur, conservatrice, pragmatique, ouverte au compromis et sans enfant.
Et pour se décrire, elle confie: « Je ne fais pas la tournée des plateaux de télévision. Je n’ai pas de potins à partager pendant le déjeuner. Je ne vais pas boire des verres dans les bars du Parlement. Et je ne porte pas mes sentiments en bandoulière. Je fais juste mon boulot« .
– « Une femme drôlement difficile » –
« Theresa est une femme drôlement difficile« , commentait récemment sur une télévision l’ex-ministre Kenneth Clarke, député conservateur.
« Le prochain qui va s’en rendre compte, c’est Jean-Claude Juncker« , a-t-elle rebondi avec humour, donnant le ton des négociations de sortie de l’UE avec le président de la Commission européenne.
Fille d’un pasteur anglican, Theresa Brasier est née le 1er octobre 1956 à Eastbourne, ville côtière du sud-est de l’Angleterre. Après des études de géographie à Oxford et un bref passage à la Banque d’Angleterre, elle entame sa carrière politique en 1986. Elle est alors élue conseillère du district londonien cossu de Merton.
Après deux échecs aux législatives, elle est élue en 1997 députée conservatrice dans la circonscription prospère de Maidenhead, dans le Berkshire (sud de l’Angleterre).
De 2002 à 2003, elle est la première femme à être secrétaire générale d’un parti conservateur. Elle s’illustre lors d’un discours où elle qualifie les tories, alors marqués très à droite, de « nasty party » (« parti des méchants« ), ce qui lui vaut quelques inimitiés.
De 1999 à 2010, elle occupe différents postes dans le cabinet fantôme des conservateurs. En 2005, elle prête main forte à David Cameron dans sa conquête du parti.
Lorsqu’il est élu chef du gouvernement en 2010, il la récompense en lui attribuant le portefeuille de l’Intérieur, qu’elle conservera lors de sa réélection en 2015.
« Elle a une capacité de travail incroyable et elle est très exigeante« , souligne une de ses collaboratrices, sous couvert de l’anonymat. « Elle déteste le risque, c’est quelqu’un de fiable« .
En revanche, elle a un déficit de chaleur humaine et de communication qu’elle cherche à corriger, diffusant à la presse une série de photos personnelles, dont plusieurs la montrent tendrement enlacée avec son mari Philip John May, un banquier, ou encore son mariage à l’église en 1980.
Theresa May dit aimer la marche et la cuisine. En petit comité, elle sait se montrer pleine d’humour et charmante. Et son classicisme vestimentaire est régulièrement atténué par une paire de chaussures fantaisies, son péché mignon.