Arnaques sur internet: front commun des autorités

Paris – Les économies d’une vie parties en fumée en trois clics : face à l’explosion des arnaques financières sur internet, le Parquet de Paris, la Répression des fraudes, les gendarmes de la Bourse et des banques ont décidé d’unir leurs forces.

En six ans, les sommes qui se sont volatilisées dans les méandres du net sont colossales, de l’ordre de 4,5 milliards d’euros, selon les estimations de François Molins, procureur de la République.

« La promesse de l’argent facile et sans risque est un leurre absolu« , martèle le procureur, dans un document commun avec l’Autorité des marchés financiers (AMF), la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR, le régulateur bancaire) qui doit être présenté jeudi à la presse.

Leur principale cible: le marché des changes ou forex, l’un des plus grands marchés mondiaux, sur lequel s’échangent les monnaies 24 heures sur 24, mais qui, contrairement à ceux dédiés aux actions, n’est pas régulé.

Le forex représente ainsi à lui seul 41% des 14.500 appels reçus en 2015 par le gendarme boursier.

La bataille est d’autant plus ardue qu’aux escrocs s’ajoutent des courtiers légalement agréés, mais dans des pays moins regardants quant à la sécurité des consommateurs, à Chypre notamment.

Et les miroirs aux alouettes ne sont pas cantonnés à ce marché: diamants, vin ou forêts exotiques servent aussi d’appât, le tout agrémenté de fraudes bancaires et d’usurpations d’identité.

C’est d’ailleurs par là que l’arnaque a commencé à l’automne 2015 pour Claudine, une retraitée de 75 ans.

« J’ai été contactée par une personne se présentant comme un agent de la Banque de France qui m’a dit que j’avais 200 euros qui dormaient sur un compte et si je ne les faisais pas travailler ils seraient perdus« , explique-t-elle à l’AFP.

Il lui conseille alors un spécialiste des placements qui lui propose d’investir une première enveloppe de 500 euros… jackpot, elle double sa mise ! L’engrenage se met en place : l’addition finale s’élèvera à 75.000 euros, les économies de toute une vie.

– « La poule aux oeufs d’or n’existe pas »

« Ah je me suis laissée avoir en beauté… Le conseiller était d’une très grande courtoisie, il m’appelait quasiment tous les jours. A chaque fois, je voyais mon compte augmenter et du coup je continuais les versements. C’est comme cela que tout mon argent est parti« .

« J’en suis malade. J’ai une petite retraite et là j’ai des gros soins dentaires que je ne vais pas pouvoir faire« , ajoute-t-elle.

Pour Benoît de Juvigny, secrétaire général de l’AMF, c’est surtout le contexte de crise qui a favorisé l’émergence de toutes ces sollicitations frauduleuses.

La publicité en ligne pour des placements financiers est un piège redoutable et là-dessus l’AMF a été entendue puisque la loi Sapin II, présentée mercredi, prévoit d’interdire toutes communications par voie électronique « envers les particuliers, portant sur des instruments financiers particulièrement difficiles à comprendre et potentiellement très risqués« .

Le gendarme de la Bourse braque tout particulièrement ses projecteurs sur un nouveau risque lié au sponsoring sportif.

En sponsorisant de grandes équipes de foot, des plateformes opérant sur le forex se sont assurées « une visibilité massive » auprès de particuliers d’autant plus vulnérables qu’ils étaient attirés par le logo de leurs clubs préférés.

Pour les quatre organisations, au-delà de la répression que chacune d’entre elles conduit dans son périmètre, la meilleure façon de protéger le grand public est de mieux l’informer.

L’AMF recommande carrément de « fuir » le forex et de toujours vérifier préalablement « si votre interlocuteur est habilité à fournir des services financiers« . « Au moindre doute ne versez pas d’argent« , car « la poule aux oeufs d’or n’existe pas« .