Les dputs ont examin ce mardi le controvers article 2 du projet de rvision constitutionnelle qui prvoit la dchance de nationalit pour les terroristes. Une version qui s’applique tous, binationaux ou non, et qui est loin de faire l’unanimit dans chaque famille politique.
Devant le Congrès de Versailles en novembre, François Hollande s’était présenté comme le garant de l’unité nationale. C’est pourtant une Assemblée nationale plus désunie que jamais qui a débattu ce mardi après-midi de l’article 2 de la réforme constitutionnelle. Le plus polémique, le plus sulfureux puisque c’est celui qui instituait initialement ladéchéance de nationalité pour les terroristes binationaux.
Face aux protestations, à gauche principalement, contre une « stigmatisation », le gouvernement avait revu sa copie: il est question désormais de déchoir certains terroristes de la nationalité française, qu’ils soient mononationaux ou binationaux, ou des droits qui y sont rattachés.
29 amendements de suppression rejetés
Un gage à la gauche qui n’a pas suffi à calmer les esprits. Ainsi, ce ne sont pas moins de 29 amendements de suppression de cet article qui ont été défendus devant la représentation nationale, avant d’être rejetés. Chacun a une bonne raison de s’y opposer. Morale pour le président du groupe communiste André Chassaigne pour qui « il sera difficile de réparer le mal qui a été fait » auprès des Français binationaux. Juridique pour le député (LR) Pierre Morel-A-L’Huissier qui ne pense pas qu’il soit « nécessaire de modifier la Constitution », son article 34 renvoyant à la loi le soin de « fixer les règles de la nationalité ». Politique pour le député filloniste Lionel Tardy qui évoque une « mascarade ». « Quand la lutte contre le terrorisme se mesure à cela, il y a de quoi se poser des questions… »
Son collègue Jean-François Lamour, lui aussi sur la ligne définie par François Fillon, dénonce « un piège dans lequel la démocratie se jette ». « Vous nous demandez de vous suivre mais savez-vous vous-même où vous allez? », interroge Nathalie Kosciusko-Morizet.
« Nous avons l’impression d’un débat juridique hors sol »
Mais les partisans de l’article 2 répliquent, des deux côtés des bancs de l’Assemblée nationale. A droite, Eric Woerth (LR) rappelle que sa famille politique « avait porté cette idée ». « Est-ce un cadeau au président de la République? Je ne crois pas que ce soit la question », tance-t-il ses camarades. Le député-maire (LR) d’Ajaccio Laurent Marcangeli, proche de Nicolas Sarkozy, appelle à « tenir compte de l’attente de nos concitoyens ».
« Choqué », le député socialiste François Loncle interpelle l’hémicycle: « nous avons l’impression d’un débat juridique comme si nous étions hors sol, comme si le contexte international nous échappait. Faut-il rappeler Aqmi? Faut-il rappeler Boko Haram? » « Choqué » par les opposants, le parlementaire les accuse d’ « oublier les familles des victimes » des attentats du 13 novembre. Esclandre.
Mais c’est surtout la question de l’apatridie qui agite les bancs des députés. Ni la Constitution ni le projet de loi d’application ne faisant plus référence aux binationaux, la déchéance d’un Français n’ayant pas d’autre nationalité est rendue théoriquement possible. D’autant que la convention de l’ONU de 1961 sur « la réduction des cas d’apatridie », que le gouvernement s’est engagé à ratifier pour rassurer, autorise les Etats à pratiquer l’apatridie dans des cas restreints. Par exemple, celui d’un « individu ayant eu un comportement de nature à porter un préjudice grave aux intérêts essentiels de l’Etat ».
L’engagement à ne pas créer d’apatrides
Un point de droit que rappelle Pierre Lellouche (LR). « Et alors? », fustigent les rangs de la gauche. Le député (PS) frondeur Pascal Cherki rappelle que François Hollande s’était engagé à ne pas créer d’apatrides lors de son allocution solennelle à Versailles. « Et vous parlez de la parole du président de la République? », interpelle-t-il Manuel Valls, venu défendre une énième fois son projet. « Il y a plus d’un millier d’apatrides en France sous la protection de l’Ofpra », intervient Philippe Vigier, le président du groupe UDI, qui précise qu’il votera en faveur du maintien de l’article 2.
« Je ne veux pas instrumentaliser les peurs, se défend énergiquement le Premier ministre. Il n’y a pas de dérive sécuritaire, il y a un besoin de sécurité de nos concitoyens. » Finalement, les amendements de suppression de l’article 2 sont rejetés par 176 voix contre 118. Au groupe socialiste, une majorité de 132 députés ont rejeté la suppression contre 60 qui ont voté pour. Mais ce sont les Républicains, où Nicolas Sarkozy et François Fillon se sont livrés à une bataille sur le sujet, qui sont les plus divisés. 30 parlementaires voulaient supprimer l’article 2 et 33 le conserver.
Pas de « déchéance nationale »
Rebelote quelques minutes plus tard. Par une courte majorité de 145 voix contre 108, les députés rejettent l’amendement du député (PS) Olivier Faure qui proposait de remplacer la peine de déchéance de nationalité par une peine de « déchéance nationale », c’est-à-dire la privation d’un certain nombre de droits. Le gouvernement peut provisoirement souffler.
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Mais les rapports de force sont serrés. Pour être adoptée, la réforme constitutionnelle devra convaincre les 3/5e du Congrès…