Emploi: comment Hollande tente de minimiser son échec

Le prsident de la Rpublique a dtaill ce lundi son plan pour l’emploi. Son credo? La formation et la flexibilit, censes replacer le pays sur le chemin des embauches. Une opration de la dernire chance dans la perspective 2017.

« Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. » Manque de chance pour François Hollande, nombreux sont ceux qui l’ont entendu, cet engagement d’inversion de la courbe du chômage. Le terrorisme accapare aujourd’hui les débats politiques. Mais la question de l’emploi reviendra forcément lors de la prochaine campagne présidentielle. Et le bilan du président de la République est tout simplement désastreux. Le pays compte plus de 650 000 chômeurs de catégorie A supplémentaires depuis sa prise de fonction. Pour 2016, l’Insee prévoit une baisse du taux de chômage si infime qu’elle ressemble davantage à une stagnation. Il ne restera alors que six mois au président de la République pour légitimer l’éventualité d’un second mandat. Une course contre la montre qu’il tente avec son plan d’urgence détaillé ce lundi matin.

500 000 formations, 500 000 chômeurs de moins?

François Hollande a axé ses annonces selon deux mots d’ordre: la formation et la flexibilité. Sur le premier point, le président de la République a donc précisé les contours de son plan de formation de 500 000 chômeurs, annoncé lors de ses voeux le 31 décembre. Une « mesure structurelle fondamentale, estime-t-il, pour « pourvoir les emplois disponibles et qui ne trouvent pas preneur faute de personnel qualifié en nombre suffisant ».

Un leurre, dénonce l’opposition, qui n’y voit qu’un subterfuge pour réduire artificiellement le nombre de demandeurs d’emploi. Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de Force ouvrière, soupçonne lui aussi le gouvernement de ces filouteries. Il est vrai que les chômeurs en formation quittent la catégorie A, scrutée de très près, pour rejoindre la bien plus confidentielle catégorie D. L’effet sur le calcul du nombre de demandeurs d’emploi ne peut être occulté par l’exécutif. Mais la ministre du Travail Myriam El-Khomri réfute toute opération camouflage. « Si c’était le cas, il serait plus facile d’augmenter les radiations, qui sont aujourd’hui à un bas niveau », se défendait-elle le 5 janvier devant des journalistes.

« Je fais quand même crédit à François Hollande de miser sur la formation non pas pour tricher sur les chiffres du chômage, mais pour créer des emplois, tempère le député Laurent Baumel, l’une des têtes d’affiche des frondeurs du PS. Cette réforme, si elle est bien conduite, peut permettre de pourvoir sur le territoire des emplois qui ne trouvent aujourd’hui pas preneur. »

C’est justement sur ce point que le gouvernement doit encore convaincre. Certains estiment que le marché du travail ne digérera pas une telle explosion du nombre de formations. Au sein du gouvernement, on préfère se rattacher au taux de conversion des formations en emplois annoncé par Pole emploi, d’environ 60%.

Effacer l’échec du Pacte de responsabilité

« Au-delà de cette annonce, j’ai le sentiment que l’on reste dans cette logique de petites recettes libérales qui n’ont pas fait leurs preuves », s’inquiète Laurent Baumel. Comme nombre de ses camarades à la gauche du Parti socialiste, il dénonce la politique de l’offre totalement assumée par François Hollande depuis le Pacte de responsabilité. Une politique qui se traduira cette année par une prime aux embauches pour les petites entreprises. « Nous sommes partis dans une politique monomaniaque de baisse du coût du travail, de baisses de charges. Je ne nie pas une part d’utilité, mais il faudrait à un moment donné se pencher sur la question des carnets de commandes », regrette notre frondeur.

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Lui aurait aimé que les efforts soient dès le départ portés vers les petites entreprises, les bas salaires, et les entreprises les plus soumises à la concurrence. Une étude de l’OFCE laissait entendre le mois dernier que le CICE a été partiellement détourné de son objectif initial pour augmenter les salaires. Le mot « responsabilité » du Pacte induisait pourtant une responsabilité partagée. Au gouvernement de baisser les charges, aux entreprises d’embaucher.

En réponse, François Hollande a promis ce lundi une évaluation du dispositif, « pour que toute la clarté soit faite sur les engagements des uns et des autres ». Mais elle ne devrait rien changer ou presque. Car le président a aussi confirmé son intention de convertir le CICE en baisses de charges après 2017. Peu importe que les aides soient ou non suffisamment ciblées. Peu importe, encore, que les entreprises n’aient pas embauché. Avec le dernier plan d’urgence et la réforme du droit du Travail, la politique économique de François Hollande ne se limitera plus à ce seul Pacte de responsabilité.

Président « jusqu’au bout »

Le président de la République s’est défendu ce lundi de tout calcul politique. « Ce qui compte, c’est de faire les réformes jusqu’au bout, explique-t-il, assurant se placer « au-delà de quelque échéance électorale que ce soit ». Pendant que ses proches et ses adversaires s’affrontent sur la question de sa candidature, lui fait comme si de rien n’était. L’engagement d’inversion de la courbe du chômage? « Cela n’a pas changé », assure encore ce lundi un conseiller élyséen à L’Express.

« Une erreur », estime Stéphane Rozès, ancien directeur du CSA, aujourd’hui patron de la société de conseil Cap (Conseils analyses et perspectives). Le politologue, qui a collaboré avec François Hollande lors de la campagne 2012, estime que le président de la République se trompe sur les attentes des Français. « Il s’est mis sous cette contrainte parce qu’il pense que c’est le politique qui pèse sur l’économie et pas l’inverse. C’est typiquement français d’accorder autant d’importance aux politiques. Les sondages indiquent que le chômage est la préoccupation principale des Français. Mais je crois que l’on se trompe. Le chômage est la conséquence de la dépression française. Un manque de vision de long terme qui freine les investissements, qui bloque les embauches. La vraie question, celle qui mobilise les Français, c’est de savoir si, dans le monde actuel, la France est capable de survivre avec son modèle, ses valeurs. C’est à cette question que François Hollande devra répondre. »

Laurent Baumel, même s’il se dit favorable à l’organisation d’une primaire, ne pense pas autre chose. « L’évaluation du quinquennat de François Hollande sera forcément plus globale. On parlera des enjeux identitaires, sécuritaires. » « Les attentats interrogent typiquement la pérennité de notre modèle, abonde Stéphane Rozès. Notre pays a été attaqué. François Hollande s’est engagé sur ce sujet. A lui de nous dire ce qui fait sens, ce qui fait le destin de la France. » Le politologue en est convaincu, la question du chômage doit être « relativisée ». « En 2001, Jospin avait obtenu une baisse massive du nombre de chômeurs. Ce qui ne l’a pas empêché de perdre un an plus tard à la présidentielle. »