En quelques jours, les terroristes du groupe Etat islamique ont tu des centaines d’innocents Beyrouth puis Paris. Mais y a-t-il un lien entre ces deux sries d’attentats? Pas si sr.
L’Etat islamique (Daech) s’est-il lancé dans une offensive d’envergure mondiale? En d’autres termes, après s’être inscrit, à ses débuts, en concurrence frontale avec Al-Qaïda, Daech est-il en passe de montrer sa capacité à frapper des terres lointaines au moyen de ses volontaires succursalisés?
Daech plus fort qu’Al-Qaïda?
La question se pose après la série d’attentats qui ont frappé le fief chiite de Beyrouth, Borj el-Barajneh, jeudi 12 novembre, puis le coeur de Paris (ainsi que le stade de France, à Saint Denis), le 13 novembre. Dans les deux cas, qui n’ont pourtant rien à voir l’un avec l’autre, la stratégie choisie consiste à frapper la foule anonyme – mais précisément ciblée dans son appartenance religieuse ou nationale.
A Beyrouth, il s’agit de faire payer au Hezbollah (parti de Dieu), la principale organisation politique chiite (qui dispose d’une branche armée, classé par l’Union Européenne comme organisation terroriste) son engagement en faveur du régime de Damas. La fraternité spirituelle entre chiites du Liban et alaouite de Syrie n’explique pas tout. En réalité, le Hezbollah a permis à Bachar el-Assad, à partir du début de l’année 2014, de reprendre l’avantage alors que ce denier se trouvait dans une posture très critique.
Le Hezbollah est intervenu en territoire syrien tout au long de la frontière libanaise (375 kilomètres), il a repoussé les groupes rebelles qui occupaient les alentours de Homs et qui tenaient une bonne partie de l’ouest syrien, précisément le long de la frontière libanaise. Cela lui a valu une dizaine d’attentats, fomentés par différentes factions islamistes et djihadistes syriennes, hormis Daech. Or aucun de ces attentats n’a été d’envergure massive.
Le massacre de Borj el-Barajneh marque une nette rupture et démontre le savoir faire de Daech en matière de meurtres collectifs. C’est un argument de propagande, une vitrine de l’horreur, qui répond à un double but:
- Démontrer que l’Etat islamique peut frapper ses adversaires de manière terrible où qu’ils soient, y compris dans le fief chiite de Beyrouth.
- Prouver que seul Dech peut prendre le leadership de tous les petits groupes djihadistes disséminés en Syrie.
Un autre objectif à Paris
Le massacre de Paris répond à un autre objectif: punir la France qui bombarde les positions de Daech en Irak et en Syrie, mais aussi montrer au monde que les populations musulmanes d’Europe peuvent être héroïquement retournés contre leur pays d’action. C’est un objectif beaucoup plus vicieux et pervers qu’à Beyrouth. Le carnage libanais est un « classique » accru par son ampleur; l’horreur constatée à Paris est d’un nouveau type, nettement plus sophistiqué et qui requiert une préparation bien plus minutieuse.
En dépit de la concomitances frappante, il est donc difficile d’affirmer que Beyrouth et Paris participent d’une même stratégie aux yeux des assassins sans frontières de Daech.
Un revers important
C’est d’autant plus difficile qu’entre ces deux catastrophes, Daech a subi un revers important. Le 13 novembre, le jour même des tueries de Paris, les Kurdes d’Irak (avec l’appui de Kurdes de Syrie) ont repris à Daech la ville de Sinjar, dont les djihadistes s’étaient emparé en 2014.
Sinjar avait été le théâtre d’atrocités sans nom: exécutions massives, viols, vente d’esclaves, mariages forcés commis à l’égard des Kurdes yezidis. Ces derniers, qui ne sont pas musulmans et qui pratiquent une religion spécifique et très ancienne, ont été épouvantablement maltraités.
La revanche kurde de Sinjar, avec la prise de la ville le 13 novembre, marque non seulement une défaite pour Daech, mais annonce peut-être une contre-offensive menée par les troupes de Bagdad. Il n’est pas impensable que, dopées par le succès kurde, les forces irakiennes lancent l’assaut contre Ramadi, ville située à une centaine de kilomètres de Bagdad et dont Daech s’était emparée au printemps dernier,
Si Daech tue lâchement des innocents au coeur des villes, l’organisation n’a pas encore fait les preuves d’une solidité à toute épreuve dans la défense des territoires qu’elle tente d’arracher à ses habitants légitimes. L' »Etat islamique », qui est en tout point le contraire d’un Etat, a pour vocation de tuer, de préférence des gens sans défense. Pour le reste, il est très vulnérable.