L’électorat frontiste se caractérise toujours par un fort tropisme droitier. La proportion de votes déclarés pour le FN aux régionales est d’autant plus élevée que la personne interrogée est plus à droite, passant de 11 % chez celles qui se placent à l’extrémité gauche de l’échelle gauche/droite à 65 % chez celles qui se situent à son extrémité droite. La seule différence notable par rapport aux scrutins précédents est la progression du FN chez les « ninistes », soit les personnes qui se classent au centre ou refusent de se situer, où il recueille 25% des suffrages contre 19 % en 2012 et 8 % en 2007. Ce positionnement n’est pas arbitraire, il renvoie à des valeurs et à des attitudes spécifiques. Si la société française a globalement évolué vers plus de tolérance, sous l’effet du renouvellement générationnel, de la hausse du niveau d’instruction et de la diffusion des valeurs postmatérialistes, les électeurs lepénistes sont restés à l’écart du mouvement. En 2015, 60 % veulent rétablir la peine la peine de mort (contre 28 % des électeurs de droite et 11 % des électeurs de gauche) et 91 % jugent le nombre d’immigrés excessif (contre 60 % à droite et 22 % à gauche), soit des proportions respectivement supérieures de 33 et 43 points à la moyenne de l’échantillon. A contrario, ce sentiment anti-immigrés apparaît comme la condition quasi nécessaire d’un tel choix. La proportion de votes FN au premier tour des régionales passe de 1 % chez les personnes qui ne sont « pas du tout d’accord » avec l’idée qu’il y a trop d’immigrés à 6 % chez les « plutôt pas d’accord », 26 % chez les « plutôt d’accord » et 52 % chez les « tout à fait d’accord ». Malgré les efforts de Marine Le Pen pour diversifier la thématique du mouvement, c’est toujours l’immigration qui polarise son électorat. C’est aussi le seul domaine où l’électorat de Marine Le Pen se positionne autant à droite. Sur les questions de mœurs (homosexualité, place des femmes), il voisine avec ceux de la droite classique. Sur les questions économiques, notamment sur le degré d’intervention de l’État face au marché et aux entreprises, longtemps au fondement du clivage gauche/droite, ou sur les questions sociales, il se situe à gauche de celui de la droite. Ainsi la moitié des électeurs frontistes estiment que « pour établir la justice sociale il faudrait prendre aux riches pour donner aux pauvres » (contre un tiers des électeurs de droite et 72 % des électeurs de gauche), et les partisans de donner la priorité à la compétitivité de l’économie française sur l’amélioration de la situation des salariés sont 42 % (contre 62 % à droite et 30 % à gauche).