La passe d’armes a surpris, jusque dans les rangs catholiques. « Je rêve ou c’est la première fois que l’on voit des candidats à une primaire s’attaquer à coup de paroles du pape ‘ » a tweeté le prêtre Cédric Burgun.
Mais pour Jérôme Fourquet, de l’Ifop, « nous ne sommes pas sur une présidentielle mais sur une primaire à droite, qui parle à un segment particulier où les catholiques pratiquants ne sont pas aussi minoritaires, pesant environ 15% » contre 10% dans la population.
« Ces électeurs sont nettement moins abstentionnistes que la moyenne, leur poids s’en trouve donc rehaussé« , explique à l’AFP le politologue. Alors que les finalistes de la primaire affichent tous deux un programme libéral – avec des nuances – en matière économique, le domaine sociétal nourri de références religieuses constitue « un bon terrain pour se différencier« .
– Un « Tariq Ramadan des sacristies’ » –
La question catholique renvoie à « une mémoire chrétienne du pays, un antilibéralisme culturel, un vote plus marqué à droite : on comprend pourquoi les acteurs politiques du moment utilisent ce référentiel dans leurs discours« , relève le sociologue Philippe Portier. Pour lui, une moitié de la France « n’a pas oublié qu’elle était catholique« , même sans aller à la messe tous les dimanches.
François Fillon peut-il donc devenir « une sorte de Tariq Ramadan des sacristies« , héraut d’un « catholicisme politique, activiste et agressif« , comme l’a prophétisé le directeur de Libération Laurent Joffrin, en référence à l’islamologue considéré proche de l’islam politique des Frères musulmans’
« Il n’y a pas de catholicisme politique en France, il n’y en aura jamais« , corrige Jean-Pierre Denis, directeur de l’hebdomadaire La Vie. Selon lui, « le catholicisme identitaire« , « d’extrême droite« , « n’a qu’un impact très limité sur l’opinion publique des catholiques« , comme le démontre le maigre score à la primaire (1,5%) de Jean-Frédéric Poisson, qui « a essayé de s’appuyer sur ces réseaux« .
« Mais il y a un catholicisme qui continue à travailler la société française et que les médias et les politiques sous-estiment« , poursuit cet essayiste catholique.
Pour le spécialiste du catholicisme Yann Raison du Cleuziou, un groupe plus large a pesé pour Fillon : celui des « catholiques observants« , « noyau dur de La Manif pour tous« , une « bourgeoisie classique qui affiche une certaine focalisation sur la morale sexuelle et est libérale économiquement parlant« .
« Ce ne sont pas des extrémistes. Ils ont retrouvé une incarnation d’eux-mêmes en François Fillon, fidèle de l’abbaye de Solesmes, père de cinq enfants, marié de longue date à la même femme« , selon ce spécialiste. Un « catholique rassurant » moins clivant, dans le ton et la personnalité, que Nicolas Sarkozy, dont l’invocation régulière des « racines chrétiennes de la France » n’a pas suffi à le qualifier.