Le Caire – Des dizaines de personnes ont manifesté lundi au Caire contre le gouvernement du président Abdel Fattah al-Sissi, et la police qui s’était massivement déployée avec l’armée, les a dispersées rapidement à coup de grenades lacrymogènes, selon un journaliste de l’AFP.
Pour ce 25 avril, jour férié commémorant la restitution du Sinaï par Israël en 1982, plusieurs mouvements laïcs et de gauche avaient appelé à manifester contre la politique répressive du gouvernement, prenant prétexte de la rétrocession controversée il y a deux semaines de deux îles de la mer Rouge, Tiran et Sanafir, à l’Arabie saoudite.
Le président Sissi, dont le pouvoir réprime violemment toute opposition, avait prévenu dimanche, comme le ministère de l’Intérieur, que la police et l’armée empêcheraient tout rassemblement, par la force au besoin.
Dans les jours qui ont précédé, les forces de l’ordre avaient tout mis en oeuvre pour réduire à néant les possibilités de se rassembler.
Elles avaient arrêté en quatre jours dans des rafles des dizaines de jeunes opposants, d’avocats et de responsables d’organisations de défense des droits de l’Homme qui appelaient à manifester, selon ces ONG. Et, policiers et soldats massivement déployés au Caire avaient bouclé dès dimanche soir tous les quartiers dans lesquels devaient avoir lieu les manifestations.
Mais vers 16H00 lundi, une cinquantaine de manifestants ont fait irruption par surprise sur une petite place du centre de la capitale. Quelques minutes plus tard, un premier camion de police arrivé en trombe a essuyé des jets de pierre et les policiers ont riposté par des tirs de grenades lacrymogènes, provoquant la débandade des protestataires, a rapporté le journaliste de l’AFP.
Les forces de sécurité ont arrêté plusieurs personnes, des journalistes égyptiens et étrangers, notamment.
D’autres petites manifestations ont été également rapidement dispersées dans au moins deux autres quartiers et plus aucune n’était signalée en fin de journée.
« Le niveau de panique du gouvernement montre qu’il se sent menacé et pense qu’il n’a d’autres options que la répression« , commentait pour l’AFP en tête de manifestation Leila Seif, une figure de la dissidence. Son fils Alaa Abdel Fattah, un des jeunes leaders de la révolte de 2011 qui a chassé Hosni Moubarak du pouvoir, est emprisonné depuis juin 2014 pour avoir bravé une interdiction de manifester.
Par ailleurs, quelques rassemblements pro-Sissi, très clairsemés, ont eu lieu, notamment à proximité des quartiers où les anti-Sissi avaient appelé à manifester.
Le chef de l’Etat avait prévenu dimanche que la police et l’armée auraient pour mission de « protéger la sécurité et la stabilité des institutions« . « Les services de sécurité (…) feront face avec une extrême fermeté à toute action de nature à perturber l’ordre public« , avait renchéri son ministre de l’Intérieur, Magdy Abdel Ghaffar.
Depuis que M. Sissi, alors chef de la toute puissante armée, a destitué le 3 juillet 2013 l’islamiste Mohamed Morsi, premier président démocratiquement élu en Egypte, les organisations internationales de défense des droits de l’Homme, dont Amnesty international et Human Rights Watch, accusent régulièrement son régime de réprimer toute opposition dans le sang, multipliant disparitions forcées et actes de torture.
En 2013, policiers et soldats avaient tué plus de 1.400 manifestants réclamant le retour de M. Morsi, dont près de 800 en quelques heures au centre du Caire le 14 août. Plus de 40.000 personnes ont été emprisonnées depuis, selon les ONG, et des centaines, dont M. Morsi, condamnées à mort dans des procès de masse expéditifs qualifiés par l’ONU de « sans précédent dans l’Histoire récente » du monde.